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Lorsque l’on pense à Hawaï, il est évident que le café ne peut que pousser sur les sols volcaniques de la Gomera.
Pourtant, les gens nous regardaient d’un air plutôt étrange lorsque nous leur en parlions.
Des insulaires et des Espagnols du continent.
Nous avons compris plus tard pourquoi : ils savaient tous que c’était possible, car pratiquement tous leurs grands-parents avaient des caféiers dans leur jardin, où ils cueillaient quelques cerises, les épépinaient, faisaient griller les grains dans une poêle, les réduisaient en poudre et versaient le tout dans une casserole d’eau chaude.

Ils le savaient.
Mais ils savaient aussi que l’histoire du travail agricole à la Gomera est une histoire de catastrophes, de méchanceté, une sorte de travail d’esclave, de honte et d’exploitation qui se cache derrière la religion, alors ils ont pensé : laissez-les venir en premier, ces Allemands, nous verrons les résultats quand ils devront se mettre au travail.

Ils se sont mis au travail.

Et maintenant, après presque sept ans, nous pouvons dire : aha.
Cela a valu la peine, pour les plantes, pour certaines parties des vallées de l’île, et sans doute aussi pour les gens.
Mais le chemin a été long.

Tout d’abord, nous avons dû trouver des plants de café.
Il y en avait effectivement, par des chemins tortueux, sous forme de minuscules pousses qui apparaissaient ensuite un peu timidement dans de petites boîtes en carton.
Ensuite, nous devions trouver des gens qui avaient déjà fait cela auparavant.
Ce qui est amusant, c’est qu’il y en avait, car il s’est avéré que depuis Christophe Colomb, la Gomera délocalise effectivement une partie de ses habitants en Amérique du Sud et en Amérique centrale, au Honduras, au Nicaragua, au Mexique, au Venezuela et dans bien d’autres pays, de sorte que chaque famille gomérienne a au moins un cousin là-bas.
Souvent, c’est l’inverse : la famille est là-bas, les cousins sont ici.
Comme il était interdit aux insulaires de quitter les Canaries sous Franco, ils l’ont quand même fait, et le Venezuela a même été appelé ici « la huitième île ».
Et que cultivent-ils là-bas ?
Du café.

Ensuite, nous avons dû trouver des gens qui voulaient recommencer avec nous.
Et tout à coup, il y en a eu.
Et nous avons appris que quelqu’un qui ressemble à un propriétaire terrien n’en est pas forcément un, et que quelqu’un qui vient en bus peut en être un.
Et que d’un autre côté, tout peut être ce qu’il semble être.

Nous avons ensuite dû apprendre que tout le monde n’est pas bienveillant à notre égard, et que ce sont surtout des parasites vraiment méchants.
Car nous ne sommes pas les seuls à apprécier le climat ici, mais en fait tout ce qui vit, s’il ne veut pas vivre en Norvège.
Et qui le voudrait ?

« Bien sûr, nous savons à peu près comment traiter le café, nous recevons aussi des prix de temps en temps pour cela, mais sur l’île, c’était une autre histoire ».

Nous nous sommes alors rendu compte qu’une chose est de faire fleurir, pousser et s’épanouir le café – une autre est de le récolter et de le faire pousser : Le récolter et le transformer.
Bien sûr, nous savons à peu près comment traiter le café, nous recevons même des prix de temps en temps pour cela, mais sur l’île, c’était une autre histoire.

Et puis, last but not least, nous avons dû de temps en temps regarder dans notre porte-monnaie et constater que les aventures se reconnaissent aussi au fait qu’elles sont chères – et parfois imprévisibles.
Et c’est ainsi que nous sommes arrivés à la conclusion que ce serait une bonne idée d’importer nos meilleurs cafés torréfiés en Allemagne à la Gomera (ce que de bons collègues commerçants ont directement qualifié de folie) et de les vendre ici, à savoir pour soutenir le travail sur place.

Ensuite, ce qui n’était pas facile non plus, nous avons dû établir des contrats avec toutes les parties concernées, afin que tous sachent qu’il y avait une grande différence entre les anciens esclavagistes et nous.

Et puis, last but not least, nous avons dû partir à la recherche de personnes qui voulaient simplement soutenir le projet : Vous.
Avec votre travail, avec votre plaisir, avec l’achat des cafés existants, avec votre temps, avec votre oisiveté et votre enthousiasme – avec des idées, avec tout ce que vous souhaitez apporter.

Car on peut dire une chose : ce qui est en train de naître ici n’est en effet pas seulement un café très inhabituel, mais aussi un projet humain très inhabituel.
Et en plein cœur de l’Europe.
Enfin, d’accord, mais en Europe quand même.

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